Au pays de l’or noir les travailleurs dorment dans la rue.

Par Cabiria.

Résumé : Dans la région de Jaén des milliers de travailleurs sont nécessaires pour la récolte des olives. Pendant des années les saisonniers migrants ont fourni l’essentiel de la main d’œuvre mais depuis le contexte économique amène des travailleurs locaux à se tourner vers l’agriculture. Il n’y donc plus assez de travail pour tout le monde et des centaines de migrants se retrouvent à la rue, faute d’emploi et de logement. Le SOC (syndicat des ouvriers agricoles) milite pour que les recrutements se fassent par le Pôle Emploi afin que les migrants ne se déplacent pas en vain. Les entreprises refusent car pour elles le recrutement direct – qui permet de jouer de la concurrence entre travailleurs en changeant les effectifs selon leur bon vouloir – reste plus avantageux.

Chaque année c’est la même chose, des milliers et des milliers de travailleurs immigrés arrivent dans la région de Jaén au moment de la récolte des olives, environs 515.000 tonnes destinées à devenir de l’huile d’exportation.
Chaque année c’est pire, il y a de moins en moins de travail et le dispositif d’accueil reste totalement insuffisant pour toutes ces personnes, beaucoup d’entre eux se retrouvent alors à la rue avec le maigre espoir de réussir à être embauché pour au moins quelques heures.

Quand on n’a plus besoin de l’immigré…

Dès les premières semaines d’octobre, ils arrivent des différentes provinces du pays, beaucoup d’Almeria, pour participer à la campagne de récolte des olives.
Si pendant des années la main d’œuvre immigrée a été indispensable au développement de l’exploitation intensive de l’oliveraie, la situation évolue et il va être très difficile pour eux cette année, comme durant les deux précédentes, de trouver du travail.
En effet, beaucoup d’espagnol de la province qui avaient abandonnés le secteur agricole pour travailler dans d’autres secteurs, comme celui de la construction, reviennent travailler dans celui de l’agriculture étant donné le contexte économique.
Il y a besoin d’environs 96.000 personnes pour la récolte des olives. La moitié de la production est récoltée par les propriétaires et leurs familiers, l’offre d’emploi s’adresse donc en réalité à 48.000 personnes [1] . Les demandeurs d’emploi recensés autour de Jaén représentent 45.243 personnes, dont 8.936 sont au chômage [2] .
Selon Andrès Bòdalo du SOC Jaén, ils seraient plus de 8.000 travailleurs immigrés à venir dans la province au moment de la campagne. Fernando Calahorro, subdélégué du gouvernement à Jaén a prévenu qu’il n’y aura du travail que pour la main d’œuvre autochtone. Le SOC [3] critique fortement se favoritisme racial et rappelle entre autre qu’un travailleur étranger devenu saisonnier à durée indéterminé (selon la convention collective, après trois campagne avec la même entreprise un saisonnier doit être embauché à durée indéterminée) ne peut être remplacé par qui que ce soit [4] .
Ainsi la main d’œuvre immigrée ne serait qu’un outil régulateur au marché du travail national, laissé au bord de la route quand celui-ci est autosuffisant.

Une chaine de refuges unique mais largement insuffisante.

La commune de Jaén, suite à la pression des différents mouvements sociaux de la ville, à mis en place une chaine de refuges pour l’accueil des travailleurs, composée de 24 centres répartis dans la province avec une capacité totale d’accueil de 800 personnes. Chaque personne peut rester au maximum trois jours [5] . Ce dispositif est exceptionnel dans la région mais insuffisant face aux besoins. Ils sont des centaines à dormir dans les rues et sous les ponts chaque soir. Jaén se trouve à 1.500 mètres d’altitude et les nuits d’hivers passent souvent sous 0°.
Au moment où les nuits étaient les plus froides, le Forum Social de Jaén, le SOC et d’autres organisations ont ouvert un refuge alternatif et volontaire pouvant accueillir environs 60 personnes [6] .
Cette année la campagne est plus longue, elle s’étend jusque fin janvier car il a beaucoup plu, mais les refuges sont déjà fermés, la ville veut inciter les travailleurs immigrés à partir. Or beaucoup d’entre eux restent, soit encore dans l’espoir de rencontrer du travail soit tout simplement parce qu’ils n’ont pas l’argent pour repartir. Sur le côté d’un de ces refuges fermés, ils sont quelques uns à avoir installé un campement, ils n’ont pas travaillé de toute la campagne et attendent une possibilité pour pouvoir repartir.
A la cantine sociale de Jaén, mise en place par des volontaires, ils sont encore aux alentours de 200 personnes à venir tous les soirs.

Le SOC comme le FSJ exigent que la convention agricole de Jaén inclue le logement dans les termes du contrat saisonnier afin que cette situation ne se reproduise plus. Il existe de nombreux cortijos [7] dans la province qui pourraient être réhabilité afin de pouvoir loger les travailleurs.
Par ailleurs, le SOC suggère que le recrutement de la main d’œuvre se fasse par le pôle emploi, chaque entreprise annonçant à l’avance le nombre de travailleurs dont elle va avoir besoin, pour éviter ainsi que des milliers de personnes ne se déplacent inutilement. Les entreprises refusent. Il est beaucoup plus avantageux de choisir sa main d’œuvre sur l’étalage et de changer de personnel au jour le jour au grès des chefs.

Notes

[1] El Pais, 29/10/2010, Ginés Donaire, « El gobierno pide que no vayan inmigrantes a la aceituna. »

[2http://www.juntadeandalucia.es/serv…

[3] Syndicat des ouvriers du champ (Sindicato de Obreros del Campo).

[4] Diagonal, 30/11/2009, David Ordeñez, “Logran que se abran los albergues”.

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