Tentative d’amélioration des conditions de travail des saisonniers agricoles en Allemagne: le label « Faire Saisonarbeit »

Résumé :

Cette initiative mise en place en 2006 pour 18 mois n’a pas rencontré l’adhésion escomptée. En effet aucune certification n’a été demandée car les critères ont paru trop stricts, notamment concernant le nombre d’heures de travail maximum. Mais le syndicat estime quand même cet outil utile, il  a permis de récolter un grand nombre d’information sur les saisonniers migrants en Allemagne et de sensibiliser le public. 

Au début de chaque saison agricole, les médias allemands publient un ou deux rapports sur les mauvaises conditions de travail des travailleurs saisonniers en Allemagne. Étant donné l’impact négatif que ces rapports pourraient avoir sur tous les producteurs du secteur, le syndicat IGBAU[1] (construction, environnement, agriculture) pense qu’il pourrait y avoir un intérêt à mettre en place un processus de certification attestant l’application par l’entreprise certifiée de normes équitables pour les travailleurs saisonniers. C’était l’idée de base de l’initiative «Faire Saisonarbeit ».

Les principales plaintes des travailleurs saisonniers concernent les questions de santé et de sécurité. La récolte des asperges par exemple, peut provoquer des irritations de la peau si les travailleurs ne portent pas des vêtements de protection comme des gants spéciaux. Les travailleurs se plaignent également de l’isolement dans la campagne et du manque d’accès aux supermarchés. La généralisation de la rémunération à la tâche pose également de nombreux problèmes car il est presque impossible d’obtenir un salaire proche de celui fixé par la convention collective. De plus, rien n’oblige l’exploitant agricole à respecter cette dernière si celui-ci ne fait pas partie d’une organisation signataire. Malgré des tentatives nombreuses et répétées, il s’est avéré extrêmement difficile d’organiser les travailleurs saisonniers migrants qui vivent et travaillent en Allemagne pour seulement deux ou trois mois par an. Des progrès ont été cependant accomplis en ce qui concerne le personnel agricole permanent. Le problème de l’organisation des travailleurs saisonniers a donc conduit le syndicat IGBAU à envisager d’autres moyens afin de faire respecter le code du travail.

L’initiative «Faire Saisonarbeit» a été mis en place en décembre 2006 et a duré 18 mois. L’objectif était de convaincre les producteurs agricoles qui embauchent les travailleurs saisonniers, à prendre part à un processus de certification volontaire. A la fin du programme, les producteurs concernés seraient certifiés comme appliquant des conditions de travail équitables. L’initiative a été fondée en collaboration avec le syndicat IGBAU et PECO, un institut spécialisé dans la promotion du développement régional durable. L’initiative a été cofinancée par la Commission européenne à hauteur de 200 000 euros et par le syndicat IGBAU avec environ 50 000 euros. Une partie des fonds a servi à embaucher du personnel à temps plein pour la réalisation du projet. Le processus de certification a pris en compte les six principaux domaines de préoccupation sociale à savoir le  temps de travail et les congés, la santé et la sécurité au travail, le logement, la rémunération, les contrats de travail et la codétermination/participation[2].

L’initiative «Faire Saisonarbeit” a réussi à gagner une grande attention de la part des médias mais malgré une forte mobilisation au départ, les exploitants agricoles ont finalement refusé de participer pour plusieurs raisons : la peur de se voir imposer de nouveaux frais dus à la certification et l’impossibilité de répondre à tous les critères comme celui du temps de travail. Le critère de la rémunération quant à lui, ne semblait pas poser problème car beaucoup d’exploitants agricoles affirmaient que les travailleurs saisonniers efficaces gagnaient généralement déjà plus que le montant de la convention collective avec une rémunération à la tâche.

Le choix d’un porte-parole a également été controversé, mais les autres éléments n’ont pas été contestés.

L’initiative a d’abord été considérée comme un échec car effectivement, aucun producteur n’a été certifié. Les raisons évoquées sont le soutien mitigé des organisations d’employeurs, l’hostilité générale de la profession agricole envers les syndicats ainsi que la peur des sanctions et des charges supplémentaires. L’initiative a reçu un large soutien mais tant que les producteurs n’auront pas d’intérêt à rejoindre le projet, ils n’étaient pas prêts à faire volontairement une telle démarche.

Cependant, bien que le programme lui-même n’ait pas réussi, cela a fourni au syndicat des informations détaillées sur la situation des travailleurs saisonniers en Allemagne. Cela a également permis de sensibiliser le public à ce problème. Les organisateurs du projet ont également été amenés à coopérer avec l’organisme européen majeur de certification de produits alimentaires : GLOBAL GAP. À la fin de 2008,  cette agence certifiait 94.000 fournisseurs dans 80 pays. Si au départ le cadre du processus de certification a été limité aux questions de qualité et d’environnement, l’agence GLOBAL GAP s’est de plus en plus intéressée à couvrir les questions sociales en raison d’un grand nombre de scandales dans la presse.

En tant qu’institution principalement financée par les entreprises privées, GLOBAL GAP avait certaines réserves concernant le travail avec les syndicats. Les syndicats quant à eux, ont dû expliquer pourquoi, dans certains cas, leurs critères sont allés au-delà des normes juridiques (par exemple avec les salaires). Pourtant, en dépit de différents points de vue, le dialogue a été fructueux et l’agence de certification a finalement adoptée la plupart des critères utilisés pour le label « Faire Saisonarbeit ». L’un des critères que GLOBAL GAP n’a pourtant pas adopté était celui concernant la rémunération. En effet, alors que le syndicat voulait appliquer une rémunération à tous les employeurs sans différencier les organisations patronales ayant signé une convention collective et celles n’en ayant pas signé. GLOBAL GAP n’applique ce principe que pour les employeurs qui font partie d’une organisation signataire. L’inconvénient majeur de ce modèle est que le processus de certification ne serait géré que par GLOBAL GAP sans consultation du syndicat, excepté en cas de litige découlant de l’interprétation des normes.

Malgré l’échec initial, le syndicat estime que les processus de certification sont un outil utile pour améliorer la situation des travailleurs saisonniers. Cependant, une démarche de certification pris en charge uniquement par les syndicats sans alliés dans le camp de l’employeur ou des consommateurs serait probablement peu efficace.

 


[1] 424 808 membres. Il représente 6,06 % de la confédération allemande des syndicats (DGB)

[2]  La codétermination se réfère au droit d’élire un représentant au sein comité d’entreprise. La plupart des entreprises agricoles sont trop petites pour élire un comité d’entreprise, mais les travailleurs saisonniers peuvent néanmoins choisir un porte-parole.

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