Le dumping social, présent dans les discours pré-électoraux allemands

Les élections législatives en Allemagne se tiendront le 22 septembre prochain. A quelques jours du scrutin, la controverse sur le dumping social outre-Rhin prend de la consistance.


Résumé :

Les patrons d’entreprises d’abatage allemand justifient leur recours à une main d’œuvre à très bas coûts par leur besoin de rester compétitifs à l’échelle mondiale (notamment face aux Etats-Unis). Mais ces pratiques sont régulièrement dénoncées comme entraînant des abus très important de la part des employeurs et comme participant à l’affaiblissement des filières équivalentes présentes dans les pays voisins. Un changement pourrait venir de l’adoption d’un salaire minimum pour toute l’Allemagne dont l’adoption semble compromise par les orientations politiques du gouvernement libéral. 


 

«Les syndicats allemands ont une piste », rapporte Héloïse Claudon, en mission en Allemagne pour la Confédération paysanne (CP) depuis fin août. Les contrats d’entreprises passés entre les sociétés de prestations de service et les industries allemandes pourraient ne pas être conformes à la fameuse directive européenne de 1996 sur les travailleurs détachés dont le détournement est qualifié de « pratiques distorsives » par nombre d’opérateurs économiques comme le Collectif contre le dumping social en Europe. Les politiques s’en mêlent également depuis la plainte de deux ministres belges contre l’Allemagne pour « dumping social » en mars 2013 auprès de la Commission européenne. Le dénouement de l’affaire pourrait tenir en une « subtilité juridique ». Pour les industriels de la viande en France, la question est d’autant plus urgente que l’écart de compétitivité avec les abattoirs allemands nuit aux filières d’élevage en France. Les abattoirs allemands, eux, se justifient par la nécessité d’être compétitifs. « Nous sommes en concurrence avec Smithfield (géant américain de l’abattage) et les autres », racontaient les patrons de Danish Crown, entreprise d’abattage danoise implantée à Oldenburg en Allemagne, au syndicat français.
Résistance européenne
Si la résistance européenne s’organise autour du Collectif contre le dumping social, de la plainte belge, des syndicats de salariés français comme le FGA-CFDT (fédération générale agroalimentaire) ou encore des paysans fédérés autour de Via Campesina (mouvement paysan international), en Allemagne le mouvement prend aussi de l’ampleur à l’approche des élections législatives du 22 septembre prochain. Les syndicats travaillent sur la question, même s’ils n’ont pour le moment qu’une étroite piste juridique comme recours. Pour rappel, il n’existe pas de salaire minimum en Allemagne. « Les salaires et le temps de travail résultent essentiellement des conventions. L’Etat et la loi y ont peu de place », selon le Collectif contre le dumping social. Or, il n’existe pas de convention collective dans l’industrie de la viande. Les sociétés de prestations de service polonaise, roumaine ou d’ailleurs sont responsables des conditions de travail des travailleurs détachés. Le 6 septembre, la CP dénonçait une « déresponsabilisation des patrons ». Nicolas Duntz, responsable de la commission migratoire à la CP, relate : « Nous avons rencontré un des dirigeants de Danish Crown, 2e exportateur mondial de viande porcine derrière l’américain Smithfield. Il nous a expliqué que les travailleurs détachés sont sous la responsabilité des sociétés de service avec lesquelles ils passent des contrats en toute légalité ». L’organisation de ce marché de l’emploi est complexe, voire « obscur ». « En quatre mois, je n’ai toujours pas éclairci le fonctionnement de ces contrats et des filières. Car il y a parfois aussi des sous-traitants », décrit Héloïse Claudon. Le phénomène est d’autant plus difficile à comprendre qu’il y a peu de statistiques sur le nombre de travailleurs détachés, sur le salaire horaire, la durée de travail, la prise en charge sociale, etc.
Contrastes politiques
Ce contexte peu favorable au changement pourrait évoluer avec les élections qui auront lieu le 22 septembre prochain. « Les médias allemands en parlent de plus en plus. Néanmoins, la banalisation du dumping social dans l’industrie des viandes reste moins médiatisée que les drames moins fréquents, mais plus marquants de la traite humaine », constate Héloïse Claudon. Dans les annonces faites par les différents partis politiques, deux camps semblent se former. Le SPD (parti social-démocrate) et les Verts ont promis de mettre en place un salaire minimum national de 8,50 euros par heure en cas de victoire. Le FDP (parti libéral) considère que c’est aux partenaires sociaux de régler la question du salaire. Quant au parti chrétien-démocrate (CDU) de la Chancelière, la position semble plutôt proche de celle du FDP : Angela Merkel soutient la mise en place d’un salaire minimum négocié par branche avec les partenaires sociaux. Si les derniers sondages donnent la chancelière-candidate gagnante avec 40% des intentions de vote, l’enjeu électoral porte surtout sur la présence ou non du FDP au Parlement allemand. En cas de nouvelle coalition entre le CDU et le FDP, l’idée d’un salaire minimum national pourrait bien être mise de côté.

(CR)

Source: Agrapresse, 16 septembre 2013.

Share

Laisser un commentaire